Corona : la croissance de proximité
Date: 11 avril 2020 21:48
Le coronavirus a cassé la croissance. Il nous fait aussi réfléchir sur la croissance. Une occasion en or pour la transformer en « croissance de proximité ».
Le PIB aveugle
La croissance est un chiffre, appelé le Produit Intérieur Brut (PIB). Il ne nous dit pas si la société va bien, mais juste si la société produit beaucoup d’argent ou pas. Le PIB est aveugle : il ne nous montre pas si tout le monde profite de cet argent. Il nous cache par exemple qu’en France les chances d’en profiter sont particulièrement mal distribuées (il faut être « bien né » et habiter au « bon endroit »). Le PIB masque la question centrale : « est-ce qu’on vit bien ensemble ? ».
Exit la croissance alors ? Non, il faut la penser et utiliser autrement. Ne plus organiser le travail autour d'une croissance financière, mais comme une activité qui poursuit une sélection d’objectifs plus équilibrée : un revenu décent mais aussi le bien-être, la santé et l’éducation. Le travail doit nous ressembler et nous rassembler. Une entreprise qui ne produit que de l’argent est une entreprise trop pauvre pour durer !
Qu’est-ce que l’entreprise ?
La définition de l’entreprise est à revoir aussi. Ce n’est pas une « boîte à produire du fric » mais, dit l'économiste Eloi Laurent, une structure qui porte une idée et qui, accessoirement, s’occupe du bien-être des personnes qui portent cette idée. Si vous employez des livreurs qui sont coincés dans des embouteillages avec leur camionnette, ils seront stressés, sédentarisés et malheureux. Si au contraire vous les faites travailler pendant un mois à vélo, ils ne remonteront plus dans leur prison ! Leur bien-être aura augmenté et donc aussi celui de leur entreprise. Ne nous trompons pas : ce n’est pas la croissance qui fait la richesse, mais la richesse – le bonheur – qui fait la croissance. Eh oui !
Autre exemple : la transition numérique. Si on ne la regarde que par la lorgnette du PIB, on pourrait conclure : un succès phénoménal. Mais si on demande si elle sert nos besoins principaux – la santé et les liens sociaux – la réponse est négative. Elle réduit notre sommeil et augmente notre stress. Les réseaux sociaux attaquent nos « réseaux de sociabilité » : on ne se voit plus, on a le regard rivé vers le bas, sur notre appareil numérique. On ne regarde plus devant, pour poser une question à l’autre. On ne rêve plus, on « scrolle ».
Reconfigurer nos habitudes
La crise du coronavirus nous donne enfin le temps de parler de la croissance dans de bonnes conditions, avec les bonnes informations et un respect de la parole. Et voilà ce que disent les gens : qu’ils ne la veulent pas, cette croissance effrénée. Nous voulons juste vivre de façon équilibrée dans un quartier où l’on peut à la fois habiter, travailler, faire ses courses, s’amuser et s’instruire sans avoir à faire des dizaines de kilomètres et à subir les embouteillages.
Le confinement est une extraordinaire occasion de reconfigurer nos habitudes pour les rendre locales. Faisons-le maintenant, car la crise nous fait découvrir que nous n'avons pas besoin de sortir de notre ville pour manger, pour se rencontrer et pour (télé-)travailler. Le fait d'être confiné nous apprend à nous divertir autrement, même à inventer nos propres spectacles de rue, comme le show « Questions pour un balcon ».
Si internet peut aider à reconstruire cette proximité, par exemple en faisant connaître les commerces de proximité via une centrale de commandes en ligne, tant mieux. Pour renforcer ces circuits courts, ajoutons un service de livraison à vélo-cargo comme à Fontenay-aux-Roses. Cela aidera nos commerçants de proximité, et engendrera une « croissance de proximité » qui développe l'activité économique dans les limites de notre monde. Je la veux cette croissance de proximité, qui fera pousser le tissu social et la production locale, qui sont des sources de bien-être, de créativité et de fierté inépuisables.