Décès du cycliste Paul : discours des associations

Auteur: FARàVélo

Date: 20 octobre 2024 22:18

 

Le 19 octobre 2024, le Collectif Vélo Vallée Sud Grand Paris organisait un rassemblement en hommage à Paul Varry, cycliste tué volontairement par un automobiliste quatre jours plus tôt. Plus de 300 rassemblements avaient lieu en même temps partout en France à 17h45, l'heure de sa mort. Environ quatre-vingt personnes étaient présentes pour exprimer leur peine et pour dénoncer une culture de la violence motorisée en France. Voici les discours prononcés par les associations, dont voici quelques extraits en vidéo.

 

Photo de Paul Varry, mort à 27 ans le 15 octobre 2024
Photo de Paul Varry, mort à 27 ans le 15 octobre 2024

 

Paul roulait sur un Brompton bleu lorsqu'il a été attaqué par l'automobiliste
Paul roulait sur un Brompton bleu lorsqu'il a été attaqué par l'automobiliste

 

Infinie tristesse, colère et incompréhension
Dorothé Wilmoté, FARàVélo

Chères toutes, chers tous,

C’est avec une infinie tristesse, colère et incompréhension que nous sommes aujourd’hui réunis après la mort de Paul Varry, victime d’un crime inacceptable de la part d’un usager de la route sans scrupule.

Pourquoi !? Comment cela a-t-il pu se produire ? Est-ce une fatalité ?!!

Cyclistes, piétons, usagers de la voirie nous avons choisi des modes de déplacement actifs et moins polluants que ce soit par conviction éthique, par souci économique, pour le sport, le plaisir de circuler dans nos villes autrement, voir tout cela à la fois. La société change, notre regard sur notre environnement change, ainsi en va-t-il de nos modes de déplacement.

Mais malgré les demandes de nos militants, leur implication au quotidien au sein d’associations qu’ils ont su fédérer pour se faire entendre auprès de nos instances régionales, les aménagements restent trop souvent faits à la marge. Nos remarques sur la dangerosité de certains équipements ne sont pas toujours prises en compte et leur mise en place est largement trop lente par rapport à l’augmentation du trafic vélo. Certains de nos maires osent même plaider l’augmentation du volume des véhicules motorisés pour justifier l’absence de possibilités de mise en place d’aménagements cyclables sécurisés ! Et c’est un de ces véhicules conduit par un individu se considérant dans son plein droit qui a été responsable d’un meurtre odieux !!

Nous sommes de plus en plus nombreux à utiliser le vélo comme mode de déplacement quotidien et avoir constaté une majoration des infractions et de l’agressivité des automobilistes à notre égards. Insultes, tentatives d’intimidation d’autant plus fréquentes envers les femmes et accrochages plus ou moins violents…

Je me déplace depuis plusieurs années exclusivement à vélo ou à pied. Je fais bien attention à laisser s’éloigner les hargneux. Je ne réponds jamais aux gestes agressifs et laisse couler les insultes de peur de me faire agresser. Et pourtant… J’ai été par deux fois percutée par des automobilistes inattentifs sur un passage piéton il y a 5 ans et sur une piste bi directionnelle récemment…

Les accidents ne sont pas une fatalité, mais la résultante de plusieurs facteurs : aménagements mal conçus, inattention certes mais aussi des comportements inappropriés et un sentiment d’impunité chez certains automobilistes qui ont vu leur espace se restreindre.

Nous ne pouvons pas nous battre seuls, il faut faire respecter la loi, que les actes de violence délibérés soient reconnus et sanctionnés !

 

Cléo Zwiers prononce un discours à la Vache Noire
Cléo Zwiers prononce un discours à la Vache Noire

 

Dépose de fleurs et de bougies à la mémoire de Paul Varry
Dépose de fleurs et de bougies à la mémoire de Paul Varry

 

Aujourd'hui je suis Paul
Cléo Zwiers, MDB Bagneux

Je ne connaissais pas Paul avant mardi dernier. Je ne le connais toujours pas très bien malheureusement, à part son nom, son âge et ses convictions. Son envie d’apaiser la ville.

J’aurais préféré le connaître encore en vie, car ses convictions je les partage et nous les partageons probablement tous.

⁠On s’est tous déjà retrouvé dans des situations pareilles, sauf que celle de Paul lui a été fatale.

Ce drame m’a beaucoup bouleversée. ⁠⁠⁠Je suis passée par beaucoup d’étapes d’émotions ; la colère, la tristesse et surtout l’incompréhension. L’incompréhension de la violence routière. Le manque de patience et une telle frustration qui a amené à un meurtre.

⁠⁠Est-ce si grave pour un automobiliste d’attendre quelques minutes de plus avant de pouvoir dépasser un vélo pour éviter une situation dangereuse ? Est-ce si grave de louper un feu vert qui le retardera de 3 minutes ?

⁠⁠Un cycliste est souvent aussi un automobiliste, mais un automobiliste n’est pas toujours un cycliste.

Ne laissons pas ce drame s’endormir au bout de quelques temps, mais faisons en sorte que Paul ne soit pas mort pour rien.

Nos émotions personnelles ne servent peut-être à pas grand-chose, mais nous pouvons utiliser nos émotions comme motivation pour cette fois-ci vraiment faire changer les choses comme ça l’a fait aux Pays-Bas il y a 51 ans.

Aujourd’hui je suis Paul. Nous sommes tous Paul ensemble.

 

Odile Jersyk prononce un discours à la mémoire de Paul Varry
Odile Jersyk prononce un discours à la mémoire de Paul Varry

 

Il faut enfin qu'un débat ait lieu sur la haine au volant
Odile Jersyk, FARàVélo

Ce soir, en ce moment même, dans toute la France, des personnes se rassemblent, cyclistes ou non cyclistes, pour rendre hommage à Paul, pour manifester leur indignation et leur solidarité. Un jeune cycliste est mort sur une piste cyclable à Paris et ce n’était pas un accident.

Ce n’est pas lui, qui a commis une infraction, une imprudence. Il n’a pas été distrait, il n’a pas été négligent ou imprudent, il n’a pas pris de risque inconsidéré. Il a simplement emprunté en confiance une infrastructure cyclable que les pouvoirs publics jugent suffisante.

Il ne faisait pas partie d’une petite minorité de fous, qui s’obstinent à rouler à vélo contre toute raison, puisqu’aujourd’hui le nombre de déplacements à vélo à Paris égale celui des déplacements en voiture. Il avait donc toute légitimité à emprunter cette rue, sur son vélo.

Où se trouvait exactement le danger pour Paul ?

Le danger n’était pas sur la selle de son vélo mais dans la tête du conducteur. Paul a commis à ses yeux un crime de lèse-majesté : il occupait SON avenue et en plus, prétendait faire respecter son droit de circulation, et sa sécurité. Or, chaque cycliste sait ou devrait savoir que le véritable code de la route, c’est la loi du plus fort.

La pensée commune est que les rues sont des espaces réservés aux automobilistes, alors qu’elles sont des aménagements urbains, financés par tous les contribuables, pour tous les usagers. En somme qu’est-ce qui est sensé définir la loi de priorité des conducteurs motorisés sur tous les autres usagers: piétons, cyclistes, PMR, etc ? Est-ce le code de la route ?

Non, c’est ce sentiment de supériorité que donne la possession d’un véhicule puissant et dangereux, qui permet de menacer, d’intimider, d’imposer sa volonté. C’est le grand pouvoir de mettre l’autre en danger, de lui faire peur. Cette attitude de violence et de domination, souvent accompagnée d’insultes, qui s’appuie sur l’impunité assurée.

Et aujourd’hui hélas nous voyons que cela peut même mener à l’envie de tuer !

Ce n’est pas un accident. C’est ce que l’on peut appeler un assassinat : ce conducteur a sciemment pris la décision de tuer ce cycliste. Peut-on imaginer une chose pareille, en France, au XXIe siècle ?

Il faut enfin qu’un débat public ait lieu sur le sujet de l’agressivité et de la haine au volant. 

Circuler à vélo n’est pas une fantaisie de bobo écolo hurluberlu, mais c’est une solution d’avenir pour continuer à nous déplacer, dans nos villes surpeuplées et polluées.

Partager l’espace public de nos villes est une NECESSITE VITALE.

 

Un message exprimant l'état d'esprit des participants
Un message exprimant l'état d'esprit des participants

 

Ouvrons un espace d'émerveillement
Pierre Garnier, MDB Bourg-la-Reine

La mort de Paul nous glace le sang. Cette violence routière je la connais et la subi de longue date.

Je redécouvre aujourd'hui à quel point tous les cyclistes la connaissent. Les témoignages débordent. Il y a quasi un an jour pour jour un cycliste mourait sur la RD74, à frontière entre Bagneux et Sceaux, à coté de Bourg-la-Reine, victime d’un automobiliste trop pressé.

Je suis Paul.

Je suis le cycliste qui refuse qu’on lui roule dessus et qui se fait agresser.

Je suis Paul. Nous sommes Paul.

Les victimes de la violence routière ce n'est pas que vous et moi, cyclistes téméraires qui nous y confrontons au quotidien. Les victimes ce sont toutes celles et ceux qui renoncent à faire du vélo, car cette violence fait de la route un espace de menace, un espace de combat, un espace de tension permanente. Et ces victimes qui renoncent aux vélos, restent enfermés dans leur voiture et participent à leur tour à cette violence et nous enferment tous collectivement, dans une spirale infernale.

Cette violence elle vient de loin, elle vient quelque part du procès en illégitimité des cyclistes. Longtemps le mode normal de déplacement en ville était la voiture, au nom la modernité. Longtemps Les autorités l'ont cautionné et encouragé. Pour certains cette vision subsiste, la voiture est légitime et le cycliste un intru. Alors certains ne comprennent pas qu'on l'on transforme la ville, que l'on fasse de la place aux vélos, que l’on partage la route. Et celui qui ne comprend pas devient violent.

Cette violence n'est pas une fatalité. Cette violence s'apprend, s'entretient, se cultive. Mais la non-violence, la civilité aussi s'apprennent et se cultivent.

Sur cette violence nous devons agir. Et en tant que porte parole des assos VSGP, je veux dire en quoi notre territoire peut agir :

  • Faire des infrastructures cyclables en « site propre », pour nous en protéger.
  • Diminuer le trafic routier pour diminuer les risques. Oui la transformation de la ville peut gêner les automobilistes. Et oui, nous soutenons que la sécurité des vélos vaut bien un peu de gêne en voiture.
  • Apaiser le territoire : faire le premier territoire à 30 km/h. A quand une campagne massive pour éduquer et accompagner les automobilistes ?

Les trois axes se combinent pour passer d'un « système voiture » à un « système vélo» dans lequel se déplacer à vélo est devenu un acte normal, où les automobilistes ne considèrent plus les cyclistes comme des gêneurs.

Aujourd'hui c'est au niveau du Territoire que ce système vélo peut se mettre en place. Vallée Sud Grand Paris a des ambitions et un plan vélo. Nous appelons le Territoire et les villes à mettre en œuvre et amplifier ce plan dès maintenant, pour que nos rues ne soient pas un espace de menace mais un espace d'émerveillement.

Nous le devons à la mémoire de Paul.