Le vélo et les élections municipales: ce qui a changé depuis 2014
Date: 15 mars 2020 22:49
Clairement, le vélo est devenu la star des élections municipales en 2020. Qu’est-ce qui a changé dans la façon de traiter le vélo depuis l’élection de 2014 ?
1/ Les candidats en parlent spontanément
En 2014, lorsqu’une association vélo demandait à une liste de parler vélo, il ne fallait pas s’attendre à une réponse. Aujourd’hui, ce sont les candidats eux-mêmes qui viennent voir les associations vélo pour leur présenter leurs propositions pour le vélo.
2/ Des idées reçues ne passent plus
En 2014, les candidats pouvaient se permettre de rappeler les habituelles idées reçues sur le vélo sans se faire corriger sur-le-champ. Aujourd’hui, les candidats qui s’y risquent, se font huer par un électorat bien informé qui souhaite que le vélo soit pris au sérieux comme un moyen de transport. Comme Agnès Buzyn, candidate à la Mairie de Paris, pour qui le vélo n’est pas un moyen de transport accessible à tous mais « un moment dans la vie ». Elle, qui venait de quitter son poste de ministre de la Santé, déclarait même que faire du vélo à Paris « n’est pas bon pour la santé » et qu’une personne de 70 ans ou une mère avec deux enfants en bas âge ne peut pas se déplacer à vélo. Etonnant, car il suffit de regarder ailleurs pour constater que faire du vélo n’a pas d’âge, et de lire les études scientifiques pour s'assurer que se déplacer à vélo à Londres et à Paris est excellent pour la santé. Olivier Razemon le résume bien : « Ne pas faire du vélo, c’est dangereux pour la santé ».
3/ Le vélo dépasse la dimension « écolo »
En 2014 le vélo était, au mieux, un sujet « écolo pour les cyclistes ». Six ans plus tard le vélo est devenu un enjeu majeur de qualité de vie, qui est menacée par plusieurs facteurs. D’abord par la pollution de l’air. Mais aussi par la dépendance trop forte au pétrole - révélée par la crise des gilets jaunes - et par la densification urbaine. L’augmentation du nombre d’habitants dans un espace restreint sature les routes et les transports publics, ce qui devient une source de souffrance. Plutôt qu’un « geste vert », le vélo apparaît désormais comme une solution pertinente à ces problèmes complexes de pouvoir d’achat, d’espace, de santé et de bien-être.
4/ Le vélo abordé comme sujet technique
En 2014, le vélo était un sujet anecdotique qui ne méritait pas qu’on y prête vraiment attention. En 2020, on n’hésite plus à parler du vélo jusque dans le détail technique. Dans les débats on fait même intervenir les plus grands spécialistes du vélo comme Frédéric Héran, qui expliquent ce qui fonctionne et pourquoi. Exemple: pour devenir cyclable, Amsterdam a réduit la vitesse et aussi le nombre de voitures en déviant le transit à l’extérieur de la ville. En 2020, les associations vélo proposent aux candidats d’appliquer la même recette en France moyennant des slogans facile à comprendre: « Mon quartier n’est pas un raccourci ! ». Dans ce débat, le vélo n’est plus présenté comme l’objectif premier, mais juste l’un des effets secondaires d’une politique d’apaisement plus large pour la ville. Entre 2014 et 2020, nous sommes ainsi passés d’une petite boutade sur le vélo à un débat de fond sur la ville apaisée où le vélo, mais aussi la marche et la vie sociale et économique, peuvent fleurir.
5/ On regarde l'étranger
En 2014, le vélo était « la culture du nord ». Entretemps, les politiques sont allés aux Pays-Bas et à Copenhague pour constater par eux-mêmes que cette réussite n’est pas due à une culture, mais à une façon d’organiser la circulation et d’aménager la ville. L’association Paris en Selle est même allée jusqu’à analyser ce modèle d’urbanisme cyclable et d’en faire un guide. C’est ce regard vers les Pays-Bas qui avait déjà permis à Strasbourg de développer sa politique vélo depuis les années 1970, et qui devient aujourd’hui une source d’inspiration pour de plus en plus de villes françaises. Comme pour Paris, affirme Charlotte Guth, la Cheffe de la Mission des Aménagements Cyclable de Paris, qui précise que « si on applique les mêmes recettes que les pays du nord, on obtiendra les mêmes résultats ».
6/ Des « Grands Oraux Vélo » savamment mis en scène
En 2014, les associations vélo avaient du mal à contacter les candidats. En 2020, les candidats répondent tous présents, et acceptent même de débattre en live de leurs engagements pour le vélo face à une salle comble. Avec des engagements fermes à la clef : durant le « Grand Oral Vélo » de Montreuil, le maire sortant était même venu avec des cartes pour montrer quels aménagements il s’engageait à réaliser. Le « Grand Oral Vélo » de Paris a, quant à lui, aussi été un succès remarquable. Cinq des six candidats se sont engagés sur la réalisation du projet Vélopolitain imaginé par Paris en Selle : une version cyclable du réseau métropolitain en surface pour la somme de 250 millions d’euro. La force de ces grands oraux vélo organisés partout en France : chaque candidat se positionne sur les propositions choisies par les associations. Cela évite l’effet « poudre aux yeux » : le candidat aura du mal à noyer le poisson en parlant de telle ou telle mesure(tte) pour le vélo qui ne change pas grand-chose. Surtout si les autres candidats à côté de lui s’engagent sans réserve…