Le vélo fait débat à Fontenay-aux-Roses
Date: 5 avril 2021 12:55
Le 16 mars 2021, le maire de Fontenay-aux-Roses a informé FARàVélo par écrit qu'il retirait son soutien à l'association et que par conséquent elle doit quitter son local. La raison: il considère l’association politisée (ici). Nos propositions de dialogue sont restées sans réponse. Depuis cette date, de nombreux témoignages de soutien et de propositions d’aide de citoyens nous sont parvenus. Ils renforcent notre idée que FARàVélo est utile, et qu’elle est légitime pour continuer à être la voix du vélo pour notre ville. Comment avancer dans la bienveillance ?
La suite, pour FARàVélo, ne peut être qu’un débat public vivant et un dialogue de qualité avec la mairie et les autres villes. Cela tombe bien : suite au remous provoqués par la décision du maire, son parti Fontenay Demain a publié un article du 28 mars 2021 qui explique la politique vélo de la ville en neuf points (ici et en bas de l'article). Nous apprécions cette ouverture au débat et saisissons l’invitation pour y répondre point par point, pour éclairer l’opinion publique.
1. « Nous développons le vélo dans le cadre du Schéma Directeur Cyclable VSGP »
C’est louable et nécessaire ! Car une ville ne peut pas devenir cyclable seule, elle ne le deviendra que si elle est connectée à d’autres villes par un réseau cyclable structurant. Exemple : les Fontenaisiens ne feront pas de vélo s’ils ne peuvent pas circuler en sécurité sur une piste cyclable sur l’avenue Dolivet pour aller à Châtillon ou à Paris. Nous sommes, comme les Fontenaisiens, dans l'attente des résultats concrets de ce projet.
2. « Notre philosophie est le partage intelligent de la chaussée »
Cette formule sonne bien. En effet : qui peut être contre « partager » et « être intelligent » ? Cependant, il est trop facile de demander à partager quand la voiture occupe 80% de l'espace public de déplacement (stationnement et circulation). Dans les faits, cette philosophie consiste à ne rien faire pour la sécurité du vélo, en laissant les vélos « se débrouiller » avec les voitures ! Proposer à une personne de se mettre sur un vélo pour rouler sur l’avenue Dolivet avec plus de 10.000 voitures par jour, c’est comme dire à la souris de partager intelligemment la pièce des chats. Frédéric Héran, le grand spécialiste du vélo, l’explique : « Encourager un mode de déplacement se fait forcément au détriment d’autres modes » (ici). Ce n’est pas un constat idéologique, mais scientifique. Ce n’est pas une politique anti-voiture non plus, mais au contraire une politique inclusive qui vise à réellement sécuriser tous les usages de l’espace public.
3. « Nos 250 hectares ne sont pas extensibles, il faut bien partager l’espace »
Cette déclaration donne l'impression que redonner un peu d'espace pour le vélo, sur les 80% occupés par la voiture, est « inadmissible », impossible et quelque part « injustifié ». Partager ? Nous ne demandons que cela, ou plutôt de ré-équilibrer les occupations respectives de la voiture et des autres modes de déplacement. Ce qui créera la liberté pour tous de se déplacer à vélo en sécurité c'est a minima en réservant concrètement de l’espace au vélo sur les axes très fréquentés. Certains diront : « il n'y a pas la place ». Mais ce prétendu manque de place cache un choix délibéré: celui de la politique du stationnement gratuit. Celui-ci incite les habitants à garer leur voitures à l’extérieur, créant ainsi artificiellement une pénurie d'espace. Des parkings gratuits, c’est comme des placards : plus vous en avez, plus ils se rempliront et plus on manquera de place !
4. « Un cycliste peut être aussi automobiliste et vice versa »
Justement ! D’où notre question : comment faire en sorte que les Fontenaisiens qui possèdent une voiture puissent aussi se déplacer en sécurité à vélo ? La réponse selon nous : 1) en aménageant des pistes cyclables sur les axes les plus fréquentés, et 2) en réduisant le flux automobile à l’intérieur des quartiers notamment en coupant le transit. Deux exemples problématiques : la rue des Bénards reste une rue dangereuse pour les enfants, car elle est utilisée comme « départementale bis » (ici). Les parents s’en plaignent. La rue Boucicaut reste hostile aux piétons et aux vélos elle aussi, car elle est utilisée comme raccourci traversant d'Est en Ouest, avec un flux de voitures très important. Pour y remédier, les Fontenaisiens proposaient déjà en 2019 de dévier le transit dans cette rue dans l'une de leurs 53 propositions citoyennes (ici).
5. « Nous cherchons la sécurité pour tous »
Justement ! Faisons le bilan. Si les piétons disposent de trotttoirs, la sécurité des usagers à vélo est en revanche loin d'être assurée faute d'espace sécurisé. Il manque en effet des pistes cyclables et il manque aussi une politique d’apaisement de la circulation motorisée. En plus, la politique de stationnement gratuit rend l'espace public plus dangereux en encourageant l’utilisation de la voiture et l’encombrement de l’espace public. La Cavée en est un bel exemple : voyez-vous s'y déplacer un enfant à vélo le lundi matin ?
6. « Nos investissements visent le bien de toutes personnes, valide ou handicapée »
Un argument que l’on entend parfois pour ne pas créer de la place pour le vélo est qu’il faut penser aussi aux familles nombreuses, aux personnes âgées et aux personnes handicapées. Ce raisonnement est problématique, car c’est au contraire le vélo qui peut libérer ces personnes des nombreuses contraintes qu’impose la voiture (coût, stationnement, stress, bouchons). Le vélo leur donne l’autonomie que la voiture n’offre pas : regardez cette vidéo pour voir à quel point le réseau cyclable libère les enfants, les personnes âgées et les personnes handicapées. Regardez de la vidéo d’Elise, maman, pour qui la vie est devenue « beaucoup plus facile depuis que je transporte mes enfants à vélo ». Ou la vidéo de Yoann, paraplégique, qui en a eu assez des bouchons et a retrouvé sa liberté en se déplaçant avec son handbike pour faire ses courses ou accompagner ses enfants à l’école. Le relief ne pose aucun problème : depuis l’invention du vélo à assistance électrique, la terre est devenue plate !
7. « Le président de FARàVélo veut supprimer tout stationnement automobile »
Faux. Cette déclaration présente notre association à tort comme « les ennemies de la voiture et les envahisseurs à vélo ». Nous proposons justement de « partager », en réservant un tout petit peu d’espace pour le vélo dans un espace dédié quasiment entièrement à l’automobile ! Regardez la rue Boucicaut : impossible d’y marcher sereinement, de s’asseoir pour se reposer et encore moins de s’y déplacer à vélo. Les usagers à vélo ne s'y sentent pas en sécurité, au point que certains sont amenés à rouler sur le trottoir, comportement qui ne manque pas d'être relevé. C’est une spirale négative maintenue par une politique qui favorise le transit automobile et le stationnement automobile gratuit en surface partout. En faisant le choix d'encourager uniquement le trafic automobile, on finit par présenter les usagers des autres modes comme des « envahisseurs » qui seraient le « problème », alors qu’ils apportent au contraire une solution. Est-il besoin de rappeler que le vélo est une solution efficace, sans pollution, et bon marché pour résoudre un problème de plus en plus urgent : le manque d’espace urbain pour un nombre croissant d’habitants ?
8. « La ville 30 est déjà cyclable au regard du Code de la route »
Faux. Premièrement, le Code de la route ne dit absolument rien sur la cyclabilité de la ville. C’est plutôt le contraire : le Code de la route, comme le précise Frédéric Héran, a été élaboré pour les automobilistes et vise clairement à discipliner les piétons et les cyclistes, qui « sont considérés comme des obstacles, des entraves à la circulation ». La rue Boucicaut en est un exemple emblématique : essayez de marcher dans cette « zone de rencontre »… Non, ce n’est pas le Code de la route, mais seuls les citoyens qui peuvent juger si une ville est cyclable ou pas. Pour Fontenay-aux-Roses ce n’est pas le cas : ils la jugent « plutôt défavorable » en matière de vélo (ici). Ils qualifient la rue Boucicaut même comme un « point noir ». Le Cerema donne une norme objective permettant de déterminer si Fontenay-aux-Roses est cyclable ou pas : même en zone 30, il faut séparer les vélos et les voitures s’il y a plus de 4.000 véhicules par jour. Alors, il y a beaucoup de travail qui reste à faire : rien que sur le carrefour de la Cavée, fraîchement rénové en centre-ville, passent 10.000 véhicules par jour ! Demandez à un parent si cet endroit est cyclable pour son enfant…
9. « Partager c’est d’abord et avant tout être intelligent »
Il ne suffit pas d’être intelligent pour partager la route. Laisser un enfant partager une route avec les voitures sur une départementale ou même dans la rue Boucicaut n’est pas faire preuve d’intelligence. C’est pour cela que la loi en France a changé, pour encourager les déplacements à vélo. De façon très explicite, elle oblige désormais chaque ville qui rénove une voirie de mettre en place un itinéraire cyclable. La ville a le choix entre cinq options, que nous détaillons dans cet article. Cela veut dire concrètement qu’il est illégal de refaire la chaussée de la rue Boucicaut sans changer la configuration pour l’apaiser. Concrètement : il faudra par exemle en faire une vraie zone de rencontre qui n’est pas dédié au transit automobile, mais un lieu agréable où même un enfant peut tranquillement se déplacer partout sans avoir peur des voitures. L'objectif de la ville à vivre sera alors atteint.
Conclusion
Nos remarques sont basées sur une vision claire d’une ville apaisée, dans laquelle:
- les quartiers ne sont pas des raccourcis dangereux (rue Boucicaut, rue des Bénards, etc.) ;
- les grands axes sont équipés de pistes cyclables (avenue Dolivet, avenue Lombart, etc.) ; et
- chaque rue est équipée, comme le veut la loi LAURE (dont l’application n’est pas une option mais une obligation), d'un aménagement permettant aux usagers du vélo d'y circuler en sécurité.
La mise en œuvre de cette vision nécessite que les citoyens et leurs élus la portent en faisant des choix. Les citoyens peuvent la porter en l’exprimant et en adhérant à une association comme FARàVélo qui porte cette vision. Les élus peuvent la porter en réduisant la place de la voiture en faveur des alternatives comme la marche, le vélo et les transports publics. Une telle politique suppose un plan vélo, un budget vélo et un comité vélo auquel les citoyens sont activement invités à co-élaborer ce projet d’une ville cyclable et agréable. Pour le moment, ces trois éléments essentiels manquent à Fontenay-aux-Roses, malgré le Plan Vélo élaboré par FARàVélo et proposé à la mairie en 2019. Quelques pictogrammes ne font pas une ville cyclable.
Cette vision de la ville apaisée et cyclable doit être considérée comme une contribution citoyenne et constructive au débat, dont l'enjeu est le plaisir de se déplacer en sécurité dans une ville apaisée. Elle ne fait que confirmer notre désir de participer activement à la conception de notre ville de demain.
Soutenir FARàVélo : ici.
Vous inscrire à l’école vélo : veloecole-faravelo@outlook.com
L'ARTICLE SUR LE SITE « FONTENAY DEMAIN » DU MAIRE
Déployer l’usage du vélo à Fontenay-aux-Roses
Déployer l’usage du vélo a Fontenay : oui en partageant l’espace intelligemment.
Soyons clairs :
- Nous sommes totalement impliqués dans le déploiement de toutes les mobilités à Fontenay-aux-Roses, au rang desquels le vélo trouvera bien évidemment sa place. Nous faisons partie des réunions régionales du schéma directeur cyclable et sommes présents dans toutes les instances qui réfléchissent à l’intégration concertée des modes de déplacements entre eux.
- Nous n’allons pas créer des pistes cyclables dans toutes les rues que nous allons refaire parce que nous voulons partager l’espace et que nous nous sommes engagés dans notre programme à conserver au maximum les places de stationnement que nous jugeons impératives.
- Un cycliste peut aussi être automobiliste et vice versa.
Je pense que le point est suffisamment clair pour qu’on puisse à partir de là, débattre sans querelle lobbyiste ou affrontement politique. Alors essayons…
Avec Mohamed Houcini, conseiller délégué aux mobilités, nous avançons sur les sujets en parallèle. En effet, voirie et mobilités vont ensemble, et parce que nous considérons que partager c’est d’abord et avant tout être intelligent, nous nous appliquons à le faire à chaque nouvelle étude de rue avec les services de la ville et du territoire, les associations, les riverains, les commerçants, les artisans, bref, tous les fontenaisiens. Avec les 13 Millions d’Euros que nous allons investir dans la voirie d’ici 2023, les chantiers ne manquent pas.
Nous sommes la 1ere « Ville 30 » de France ce qui signifie que toutes nos rues sont déjà cyclables selon le code de la route : nous ne construirons pas des pistes cyclables juste pour flatter une partie de l’opinion publique, mais lorsque nous en construirons ce sera pour une utilisation réelle de praticité pour tous, car nos investissements sont toujours guidés pour le bien de toutes personnes (valide ou handicapée) habitant ou traversant Fontenay-aux-Roses. Le résultat escompté est celui de garantir la sécurité de tous, dans une globalité et sur tous modes de déplacements, qu’ils soient doux, thermiques ou électriques (hydrogène, gaz).
Je voudrais en particulier illustrer ce processus que nous nous appliquons en répondant à une question posée par le président de l’association FARaVELO sur la Rue des Roses où justement, je pense que son logiciel de pensée trop centré sur le vélo, l’amène à manquer de cette intelligence que nous tentons de mettre en œuvre collectivement. Nota, il préconise la suppression de tout le stationnement au profit d’une piste cyclable.
La rue des Roses est une rue en sens unique, quasi totalement en descente, très pentue sur sa partie basse et dont le design de stationnement totalement obsolète est hérité du passé.
Sans entrer dans les détails techniques, nous voulons
- repenser les trottoirs, sans purger la rue de la moitié de son stationnement : ca c’est pour les piétons et les riverains possédant une voiture et ils sont nombreux.
- Pour les vélos, nous voulons réduire le risque accidentogène au croisement avec la rue Marchand, parce que les voitures prennent de la vitesse et la visibilité se réduit en raison du tournant.
Cette rue est donc typiquement une rue où une piste cyclable (quelque soit son sens d’ailleurs) serait une situation perdant-perdant pour tous. Nous avons donc posé le diagnostic que son réaménagement ne devait pas faire l’objet de la création d’une piste cyclable. Nous l’assumons totalement pour le bien être de tous les fontenaisiens et dans le respect de nos engagements envers les électeurs qui nous ont élus en 2020.
Il est impératif que nous prenions conscience que les 250 hectares de notre commune ne sont pas extensibles et que chacun doit y trouver sa place. C’est l’action que Mr Houcini et moi-même menons au quotidien avec les professionnels de la voirie et des mobilités qui sont nombreux à nous épauler dans notre action municipale.
Pierre-Henri Constant, Maire adjoint Voirie et Mohamed Houcini Conseiller délégué aux Mobilités.